Ce vendredi, en comité central d'entreprise, le Pdg de la compagnie française, Frédéric Gagey, a brandi la menace de licenciements secs en cas d'échec des négociations avec les syndicats sur des accords d'amélioration de la productivité du personnel dans le cadre du Plan Perform.
L'exemple de British Airways
A défaut de parvenir à conclure de tels accords qui permettraient à la compagnie d'atteindre une profitabilité de 700 millions d'euros d'ici à deux ans et de garantir la taille du réseau de destinations, la direction menace de réduire ses capacités en sièges de 10% d'ici à 2017, en fermant un certain nombre de lignes déficitaires, comme l'a fait British Airways au début des années 2000.
"Cette diminution du réseau entraînerait une réduction de la flotte d'au moins 10 avions long-courriers (...) et aura des conséquences sur l'emploi qui rend envisageable le recours à des départs contraints dans toutes les catégories de personnels", a expliqué le PDG au CCE selon des sources syndicales.
Si la direction se refuse à fournir des chiffres précis de suppressions de postes, "le calcul est pourtant simple" font remarquer deux sources internes: «Le retrait d'un avion équivaut à 300 emplois supprimés ». Soit environ 3.000 emplois pour 10 avions, tandis que des sources syndicales, citées par Reuters, parlent plutôt de 4.000 postes. Un niveau qui pourrait néanmoins être atteint avec le retrait de 14 gros-porteurs, le scénario le plus sombre de ce plan d'attrition.
Il serait présenté aux conseils d'administrations d'Air France-KLM et d'Air France les 1er et 2 octobre puis présenté au CCE le 5 octobre.
La moitié des lignes long-courrier déjà dans le rouge
Pour la direction, ce scénario alternatif permettrait de stopper l'hémorragie sur le long-courrier où la moitié des lignes sont dans le rouge. L'objectif est d'atteindre un niveau de 15% à 20% de lignes déficitaires.
Une telle attrition aurait également des conséquences sur les investissements:
"Air France ne prendrait pas livraison des B787 commandés", explique-t-on en interne.
Redresser cette partie du réseau constitue la priorité du groupe. Une éventuelle filiale low-cost long-courrier comme l'a évoqué "Les Echos", si elle voyait le jour, ne serait que "marginale, sur quelques lignes", assure-t-on dans l'entourage de Frédéric Gagey. Pour rappel, le groupe martelait ces dernières années ne pas croire à un tel modèle.
Une première dans l'histoire d'Air France
Des départs contraints constitueraient un coup de tonnerre au sein de la compagnie dans la mesure où, à l'exception de 36 personnes à la fin d'un plan de 900 suppressions de postes en 1992, jamais Air France n'a connu de plan de licenciements en 82 ans d'existence.
Les différents plans de départs ont tous fait appel au volontariat, un système censé "fonctionner à tous les coups", comme l'assurait ces dernières années la direction.
Un séisme qui risquerait de provoquer des remous sociaux.
Quelle sera l'attitude du gouvernement ? «Il y a quelques années, le gouvernement avait exigé qu'un plan de départs soit moins lourd de 1.000 personnes », se souvient-on en interne. Pour autant, l'Etat français ne détient que 17% du capital d'Air France-KLM et ne fait plus la pluie et le beau temps au sein de la compagnie.
Pas de baisse de rémunération
Frédéric Gagey espère éviter ce plan d'attrition.« L'idée est de poursuivre les négociations et de tirer les conclusions fin septembre », explique un de ses proches. L'ultimatum est lancé. Pour autant, sauf à décaler le calendrier, il est impossible de trouver un accord sur des mesures aussi importantes en moins d'un mois. Les négociations avec les syndicats sont en effet bloquées, notamment avec les le SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne. Pourtant, la direction estime un accord « aisé à négocier » puisque l'idée est d'instaurer un temps de travail dans les standards européens sans évolution de la rémunération. L'écart de productivité avec les concurrents est évalué à « 15 à 20% » par la direction.
Un bel été
Le discours de la direction est troublé par la bonne performance économique réalisée cet été. Difficile en effet d'annoncer des licenciements quand on est en passe de revenir dans le vert pour la première fois depuis 2007.
L'été a été très bon grâce à des volumes de trafic importants et d'une baisse de recette unitaire moins forte que celle observée les mois précédents. «Cela nous permet de coller à nos prévisions budgétaires », fait valoir la direction. Pour rappel, aucune prévision financière pour cette année n'avait été communiquée.
« Le carburant a fait l'été. Le delta avec les autres compagnies est resté le même », précise une autre source.
Enfin, un plan d'attriton ne ferait pas l'impasse d'une amélioration de la productivité pour le personnel qui resterait dans l'entreprise. "Elle sera obtenue par la négociation de nouveaux accords collectifs ou par la dénonciation des accords existants", explique-t-on. La double peine en fait.
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